Les protéines contenues ou extraites des végétaux valent-elles – sur le seul plan nutritionnel – les protéines offertes par le monde animal ? C’est la question que Jean-Brice Thivent aborde dans cet article en trois volets. Son expérience de naturopathe incite à la prudence et au discernement…
Depuis que j’ai entamé ma réflexion sur le type d’alimentation que l’homme devrait avoir pour être en santé optimale, cette question des protéines s’est posée de façon récurrente. Aujourd’hui, avec l’explosion des mouvements végan, végétalien et végétarien, elle devient essentielle.
Il m’est arrivé d’expérimenter l’alimentation végétalienne (qui exclut tous produits ou sous-produits animaux). J’ai aussi reçu, en consultation ou en formation, des personnes végétaliennes. Je me souviens en particulier de cette patiente d’une maigreur extrême, visage terne, diminuée physiquement. Elle était végétalienne–crudivore et son niveau de vitalité était au plus bas. Elle me soutenait qu’elle avait sa dose de protéines journalière car elle mangeait beaucoup de brocolis (tous les jours comme lui avait conseillé son « gourou » sur internet). Elle était incapable de comprendre que, même en consommant 1 kilo de brocolis par jour, elle ne pourrait répondre à ses besoins protéiques, du moins pour vivre en santé optimale.
Il est peut-être possible de vivre en étant végétalien, mais dans le contexte de vie actuel (urbanisation, climat froid, stress…) et la faiblesse de nos constitutions, un tel régime ne nous permet pas d’atteindre le maximum de potentialité de notre capital santé. Seuls quelques individus de constitutions « musculaires-sanguines » pourraient tirer un bénéfice de ce mode alimentaire.
Après plus de 25 ans d’expérimentation (sur moi) dans le domaine alimentaire et 20 ans de consultations en naturopathie (avec réalisation de bilans de vitalité), je peux dire aujourd’hui qu’une alimentation végétalienne stricte conduit à la perte de masse musculaire et à une baisse de l’énergie physique. (Sauf pour des cas très exceptionnels). Le piège du végétalisme Dans les premières semaines d’une réforme végétalienne, on obtient souvent des bénéfices tels qu’une meilleure qualité digestive, une meilleure endurance, une diminution de certaines inflammations, un sommeil amélioré… Mais après quelques semaines (ce temps est variable selon les individus), la fonte musculaire et la fatigue prennent le dessus. Tous mes patients végétaliens se caractérisaient à la fois par leur maigreur (parfois extrême), leur hypersensibilité nerveuse, et par la croyance qu’ils étaient sur la voie royale de la santé alors qu’ils étaient en train de décliner sur le plan de la vitalité. Cette perte de vitalité est associée à l’apparition de carences comme les acides gras essentiels (EPA-DHA), vitamine B12, créatine, taurine ou certains oligo-éléments. (Je reviendrai dans un autre article sur ces carences).
Mais la carence qui nous intéresse aujourd’hui est celle en acides aminés (protéines)(1). Les végétaliens qui me lisent en ce moment doivent se dire : « Mais je consomme des protéines, elles sont d’origine végétale, issues des oléagineux, des légumineuses et autres céréales ou algues… et en plus je sais les associer entre elles pour avoir tous les acides aminés nécessaires à une bonne santé » ! En effet, la plupart des végétaliens savent que l’une des conditions de la réussite de leur mode de vie est d’apporter tous les acides aminés essentiels, ce qu’ils font très bien en associant les céréales et les légumineuses. Mais est-ce vraiment suffisant pour bénéficier d’un apport correct de protéines assimilables ? Nos besoins musculaires Une contrainte majeure de l’alimentation végétalienne est l’insuffisance d’assimilation et de fixation des protéines. Je n’ai pas le temps ici de détailler l’importance que jouent les protéines dans nos différentes fonctions vitales, mais une bonne utilisation de celles-ci favorise la construction du muscle. Or, la qualité musculaire a toujours été un critère de santé pour les naturopathes. Le muscle est une réserve vitale, « un témoin de notre niveau de vitalité » pour Marchesseau (le père de la naturopathie moderne), le « contre-poids du nerf » pour Desbonnet (hygiéniste-culturiste, créateur de la gymnastique des organes).
Alors, quelles sont, sur les plans quantitatif et qualitatif, les sources de protéines qui favoriseront une amélioration de la vitalité avec une augmentation du tonus musculaire ? Nos apports protéiques dépendent de nombreux facteurs :
• la teneur des aliments en protéines (aspect quantitatif)
• la qualité nutritionnelle des protéines ingérées ainsi que leur digestibilité (aspect qualitatif)
• la capacité de chacun à les digérer, les métaboliser et les fixer.
Mais avant de comprendre ces différents facteurs, voyons quels sont nos besoins réels en protéines. Là aussi, cela va dépendre de notre tempérament (capacité d’assimilation, métabolisme basal…), de nos dépenses physiques (et un peu psychiques) journalières et de nos objectifs–santé. Un sportif de 100 kg qui devra quotidiennement entretenir sa masse musculaire n’aura évidemment pas les mêmes besoins qu’une femme de 50 kg sédentaire. Les nutritionnistes recommandent pour un maintien des structures musculaires entre 0,8 g et 1,2 g de protéines/kg de poids/jour. Les naturopathes (toujours méfiants à la fois des recommandations officielles et des effets d’une surconsommation protéique) ne recommandent que 0,5 g/kg/ jour. Certains végétaliens pensent que l’on peut bien vivre avec seulement 0,3 g/kg/jour. Ces derniers besoins (0,3 à 0,5 g/kg) ne sont valables que pour une personne qui souhaite simplement maintenir sa masse musculaire et non pas la développer. Minimum 0,8 g/kg/jour
Cela n’est bien sûr pas suffisant lorsque l’on se place dans une optique de régénération, de recherche de gain de vitalité ou d’optimisation de son capital santé, comme le préconise la naturopathie au travers de ses cures, sauf peut-être, sur le temps relativement court que dure la cure de désintoxication. Pour mener à bien les autres cures de la naturopathie que sont la cure de revitalisation, stabilisation et régénération où l’on cherchera à améliorer sa force, sa résistance, ou diminuer sa fatigabilité nerveuse…, l’apport protéique est primordial.
(1) Une fois digérées, les protéines deviennent des acides aminés dont 8 d’entre eux sont pour l’homme « essentiels », en ce sens qu’il est incapable de les synthétiser. Un apport régulier est donc indispensable.
Praticien-naturopathe et professeur d’éducation physique, Jean-Brice Thivent dirige en France la Formation alsacienne de Naturopathie. Il est l’auteur du livre « De l’homme dévitalisé à l’homme vivant » (éditions Néosanté). www.alsacenaturo.com
Néo Santé N°68