Nous allons, poursuivre l’exploration de la relation entre l’alimentation et le cerveau, pour comprendre l’influence des acides gras oméga-3 sur notre comportement social et notre santé mentale.
Je précise tout de suite : de formation, je suis sociologue. Je suis donc plutôt enclin à « expliquer le social par le social », comme disait Durkheim, un des pères fondateurs de la sociologie, au tournant du 20ème siècle. Pourtant, force est de constater que le lien entre la prise d’oméga-3 et des phénomènes comme l’anxiété, l’agressivité, la dépression, etc., est soutenu par de nombreuses recherches, et que des traitements ont fait leur preuve dans des contextes aussi difficiles que l’agressivité en milieu carcéral.

Inflammations neuronales

Pour comprendre le phénomène, rappelons que notre cerveau est très sensible aux inflammations. Parfois, nous ne percevons pas des inflammations qui sont pourtant présentes dans notre corps ; mais notre cerveau, lui, y est très sensible. Qu’est-ce qui cause ces inflammations de la membrane des cellules neuronales ? Il y a, entre autres, les oméga-6, que nous consommons de plus en plus, au fur et à mesure qu’augmente la consommation d’huiles végétales, de sucres raffinés et de produits industriels : graisse de cuisson industrielle, plats préparés ou à emporter, snacks (chips, biscuits, margarine, etc.). Le principal « remède » anti-inflammatoire contre les oméga-6, ce sont les oméga-3, que vous devez maintenant être habitués à voir apparaître dans cette rubrique, tellement ils sont importants pour notre organisme. On voit donc qu’ils sont importants pour toute notre santé, y compris notre santé « mentale ».
Il y deux types d’oméga-3 dans notre cerveau : le DHA et l’EPA. Ce dernier, l’EPA, est le principal acide gras oméga-3 anti-inflammatoire du cerveau. Il est avéré que des patients en dépression, traités à l’EPA, ont de très bons résultats, alors que le DHA intervient très peu à ce niveau… Le problème est que le temps de vie de l’EPA dans le cerveau est très court : il faut donc un apport alimentaire constant. Les oméga-3 sont des acides gras longs et flexibles. Lorsqu’ils sont incorporés à la membrane de la cellule nerveuse, celle-ci devient plus élastique et plus fluide. Le signal passe, par conséquent, plus facilement. Si ce sont les oméga-6 qui dominent dans l’alimentation, ce seront ces acides gras qui seront utilisés pour construire les membranes des cellules nerveuses, la rendant moins flexible. Une étude comparant la membrane de cellules nerveuses d’Américains et de Japonais montre que ces membranes sont plus riches en oméga-6 et moins flexibles chez les Américains et plus riches en oméga-3, et donc plus flexible, chez les Japonais, dont l’alimentation intègre davantage de poissons gras, riches en oméga-3.

Moins de violence

Mais quel est le rapport avec la santé mentale et le comportement social ? Une étude mondiale a dressé une carte de l’évolution de la consommation d’oméga-6 dans 38 pays depuis les années ’60. Les résultats montrent que la progression est linéaire entre la consommation d’oméga-6 et le nombre de meurtres ! L’étude montrait même que des sociétés industrialisées, mais gardant une consommation d’oméga-3 élevée, grâce par exemple aux poissons gras, à l’instar du Japon, gardaient un taux de meurtre assez bas.
Un lien statistique ne signifie pas relation de cause à effet, et le sociologue que je reste maintient qu’il est impossible de trouver une seule cause à un phénomène complexe comme le meurtre, mais ces résultats sont très intéressants. Et ils sont confirmés par de nombreuses autres études. Dont celle-ci : des patients bipolaires ont été divisés en deux groupes, l’un recevant des oméga-3, l’autre un placebo à base d’huile d’olive. Les résultats ont montré que le groupe traité aux oméga-3 guérissait plus vite que les autres. Une autre étude a montré qu’une supplémentation en oméga-3 réduisait l’anxiété et le stress de patients anciennement dépendants à diverses drogues, diminuant par conséquent les risques de rechute.
Une expérimentation sur 39 jours seulement montre que réduire l’apport en oméga-6 et augmenter l’apport en oméga-3 EPA améliore l’humeur, réduit la colère, la dépression et l’anxiété. En 2004, le National Institutes of Health, un des plus prestigieux centres de recherche sur la santé aux Etats-Unis, avait montré une corrélation entre l’apport en oméga-3 et une diminution du taux de meurtres. Moins d’hostilité, moins d’agressivité, il semblerait que cela soit dû au fait que les oméga-3 favorisent la croissance de neurones dans les parties du cerveau qui contrôlent les comportements impulsifs. Une étude réalisée sur 231 détenus en prison montre une diminution de 26,3 % des actes agressifs le chef des détenus ayant pris des oméga-3, par rapport à ceux ayant reçu un placebo, et de 35,1 % par rapport aux détenus n’ayant rien reçu.

Neurotransmission

Il ne faut pourtant pas être porteur de troubles du comportement pour jouir des bienfaits des oméga-3. Pour celles et ceux qui ne souffrent d’aucun trouble, il est montré qu’une supplémentation en oméga-3 améliore la gestion du stress et l’humeur générale. Cela serait, entre autres, dû au fait qu’une déficience en DHA et EPA pourrait causer des troubles au niveau de deux neurotransmetteurs, responsables de la communication entre les cellules nerveuses : la dopamine et la sérotonine. La première est responsable du processus de récompense dans le cerveau ; la deuxième intervient entre autres dans l’anxiété. Un niveau de sérotonine bas élèverait les risques de suicide, de dépression et de comportements impulsifs.
Aux huiles en gélules, préférez les poissons gras (sardine, saumon thon, maquereau…), qui fourniront également toutes les vitamines et les minéraux qui vont aider à métaboliser ces si précieux oméga-3.

Yves Patte Sociologue de formation, enseigne en Belgique le travail social et l’éducation à la santé. «http://www.yvespatte.com et http://www.sportiseverywhere.com»

Source : http://www.neosante.eu/sante-mentale-et-omega-3/#more-6168